Témoignage d’Isabelle

Si je peux résumer un peu le parcours de Julien, né le 28/8/93 (il a maintenant 10 ans , il est en CM2): Je dirais que depuis quasi sa naissance , je me posais plein de questions, mais comme c’était mon premier enfant, je n’avais pas vraiment d’élément de comparaison.

En effet, c’était un bébé très agité, qui ne dormait pas beaucoup et manifestait très souvent par des pleurs : quoi exactement? pas sa faim, bien que j’aie toujours l’impression qu’il n’était pas rassasié, mais il mangeait 3 fois plus qu’un bébé « standard ».

La seule chose qui le calmait, c’était qu’on le porte et qu’on le berce. Mais la pédiatre m’a rassurée. C’était aussi un bébé très attachant , et je me souviens avoir versé une larme lorsqu’il est parti d’un grand éclat de rire du fond de la gorge, pour la première fois, à 4 mois!

Puis ensuite est venu le temps des plaies et bosses lorsqu’il a marché, à 12 mois. C’était plus que des bosses: fracture de l’avant bras, front ouvert et suturé à l’hôpital… Il a parlé tôt et s’exprimait déja bien à 18 mois/24 mois. Mais il était maladroit, pataud et nous faisions bien attention à tous les objets de son environnement qui pouvaient le heurter et lui faire mal.

Il a toujours été très grand et costaud pour son âge, et cela faisait d’autant plus de dégats. A l’école maternelle, il s’est bien plu, il participait beaucoup à l’oral, et était très curieux. Nous lui lisions tous les jours des livres, des histoires ou des contes, et il avait très envie d’apprendre à lire. Sans que nous fassions le moindre effort pour cela, il savait déja lire au début de la grande section de maternelle. Je precise qu’il était à l’époque dans la même classe qu’un enfant qui est resté longtemps son meilleur , et son seul ami. Cet enfant a commencé à lire en même temps que Julien, et la maitresse leur donnait des livres qu’ils déchiffraient ensemble , dans un coin lecture de la classe. Par contre, dès qu’il s’agissait de dessiner, il n’aimait pas du tout, et il était couvert d’encre et de peinture , litteralement de la tête aux pieds lorsqu’il rentrait à la maison. Il aimait pourtant bien peindre, et j’ai gardé quelques peintures pas mal du tout de cette époque.

Je me souviens en particulier d’un épisode en fin de maternelle. La maitresse m’a expliqué qu’ils faisaient une espèce d’évaluation de la maturité des enfants, et elle m’a dit que le fameux « dessin du bonhomme » de Julien était celui d’un enfant …un peu attardé. Elle m’a rassurée en me disant qu’il devait être dans la lune à ce moment là, et que bien sûr cela n’avait aucune signification compte tenu de ses autres facultés…mais quand même, cela a été le premier signe reconnu à l’école. Julien est donc passé en CP, qui a été une année un peu difficile.Il était avec son ami, et tous les 2 savaient déja lire. La maitresse ne savait pas bien quoi faire d’eux. C’était un double niveau: CP/CE1.

Julien avait des difficultés graphiques importantes, et bien sûr, le soin laissait à désirer…La maitresse m’a convoquée plusieurs fois pour me dire qu’il fallait qu’il fasse plus attention, qu’il devait être dans la lune…Je lui remplaçais sa trousse complètement presque toutes les semaines, il perdait tout! Et je me fachais, son père aussi…On lui faisait faire de l’écriture à la maison… Quand j’y pense, ça a été un vrai calvaire pour lui. La pédiatre me disait toujours qu’il ne fallait pas s’en faire, la preuve, il savait lire avant tout le monde! Les difficultés avec les camarades de classe ont aussi empiré alors, il n’avait que son meilleur ami, qui lui, a été integré rapidement dans le cours de CE1.

Il n’avait pas de problème d’écriture et de soin, lui… Le CE1 et le CE2 se sont déroulés à peu près de la même manière, Julien était toujours bon élève très communicant à l’oral (trop, on le lui a aussi reproché!), bon aussi en math (je sais que c’est une difficulté habituelle), mais avec une écriture désastreuse, un manque de soin. La lenteur dans l’écriture commençait à poser un problème supplémentaire. Et les difficultés avec le camarades dégéneraient souvent en coups, toujours reçus par Julien et non rendus, bien qu’il soit beaucoup plus grand que les autres élèves, et qu’il fasse du judo depuis l’âge de 3 ans (j’avais oublié d’en parler, mais je développerai plus tard).

Pour ces problèmes de violence, je suis allée voir les maitresses, …et Julien n’a plus voulu m’en parler. Je l’ai même encouragé à répondre aux coups par des coups, mais chaque fois qu’il a tenté l’experience , il s’est fait punir par la maitresse. Ce qui agace peut-être les camarades de Julien, et nous aussi par moment, c’est qu’il est très sûr de lui, de son bon droit et a un sens très aigu de la justice. Il discute toute décision à n’en plus finir, trouve toujours des arguments …et ce vis à vis de tout le monde : ses parents, la maitresse, les camarades… Nous avons même un ami qui dit qu’il faut qu’il soit avocat plus tard…

J’ajoute que durant cette période, nous avons fait appel à un psychologue (recommandé par la pédiatre), et à une orthophoniste (une vingtaine de séances) car Julien forçait tellement sur sa voix (qui est très forte et grave) qu’il avait sans arrêt des exctinctions de voix.

En CM1, il avait 2 maitresses: une gentille qu’il aimait beaucoup, et qui reconnaissait ses difficultés en écriture, mais trouvait que ce n’était pas trop grave. Elle m’a conseillé de faire appel à une psychomotricienne. L’autre maitresse, beaucoup moins douce, lui a même beaucoup reproché d’en savoir parfois trop sur certains sujets, et lui a ordonné de se taire… Cette année là, Julien a été suivi 6 mois par une psychomotricienne, qui a trouvé qu’il s’agissait d’une « crampe de l’écrivain », et a poursuivit une rééducation en ce sens toutes les semaines.

Lorsque ces séances ont été terminées, j’ai été convoquée par la 2ème maitresse, qui m’a dit que les résultats de Julien étaient en chute libre, qu’il n’était plus très présent en classe (c’est à dire: il était dans la lune), quant à l’écriture, heureusement que les séances de psychomotricité étaient terminées: cela avait encore aggravé le problème! Nous étions vraiment désemparés.

J’en ai parlé à une amie psychologue avec laquelle je travaille (je suis médecin, mais je n’ai jamais fait de pédiatrie, je suis endocrinologue). 2 de ses 3 enfants sont « précoces », et ont des difficultés d’écriture. Elle m’a conseillé de faire des tests psychométriques chez Julien. Et là, enfin , nous avons commencé à comprendre. C’était fin Juin 2003: Julien avait un QI verbal très élevé (au dessus de 130) mais un QI perfomance beaucoup moins bon, 40 points en dessous du verbal. Ce qui signifiait qu’il était dyspraxique très probablement visuo-spacial vu les tests. Et précoce.

Cela explique sans doute qu’il s’en soit si bien sorti jusqu’à présent: il a mis en place des compensations souvent efficaces.

La neuropsychologue que nous avons rencontrée est très professionnelle, quelqu’un de formidable, et je suis prête à la recommander, même si c’est cher. Nous étions heureux d’avoir enfin un nom pour désigner le problème que nous avions depuis si longtemps. Julien aussi était content, ce n’était pas sa faute, et tout le monde pourrait le savoir, s’il n’arrivait pas bien à écrire. Il était aussi un peu inquiet de de pas être comme tout le monde, mais dans l’ensemble, ça a été un soulagement.

Nous avons ensuite vu un neuropédiatre, qui a confirmé le diagnostic et demandé un bilan d’ergothérapie. Là encore, il a fallu se battre pour trouver quelqu’un. Finalement, le bilan a été fait et les séance d’ergo ont débuté en Novembre, 1 puis 2 séances d’1 heure par semaine. A la rentrée de CM2, je suis allée voir la nouvelle maitresse de Julien, pour lui expliquer la dyspraxie.

J’avais recueilli beaucoup d’info sur votre site et avais fait des copies pour la maitresse. Elle a été compréhensive, mais surtout, elle a mis en place tout de suite certains aménagements pour que Julien n’ait plus tout à écrire, lui évitant les copies fastidieuses, lui laissant un peu plus de temps pour les dictées, et lui faisant faire ses expressions écrites sur l’ordinateur de la classe.

Pour les maths, la difficulté principale que rencontrait Julien était les alignements de chiffres en colonnes et les retenues. Mais depuis qu’il a compris que sa dyspraxie entrainait justement ces difficultés, il fait très attention pour écrire les chiffres (presque) en colonnes, quitte à prendre plus de place. Du coup, il a 19/20 en maths…En géométrie, il n’est pas aussi bon mais la difficulté est je pense plus instrumentale (manier règle, compas, équerre… ) que conceptuelle.

Enfin, il nous a amené un bulletin au 1er trimestre qui nous a tous rendus heureux. Il a eu la chance d’avoir une institutrice très à l’écoute, qui l’aide à contourner ses difficultés. Mais elle même reconnait que ce n’est pas gagné pour le collège, et elle nous conseille même de le mettre dans un collège privé (elle est aussi directrice d’école…). La prochaine étape sera de réunir l’équipe éducative, même si les choses ont déja été mises en place correctement avec la maitresse en direct. Je pense que cela est nécessaire pour que soit reconnue la dyspraxie de Julien au niveau de la CDES.

Et pour que les aménagements , s’ils sont nécéssaires, puissent être mis en place rapidement en 6ème. Dans la même optique, nous allons faire une demande d’AES.

Dernier point, les activités extra scolaires. Dès son plus jeune âge, Julien a eu besoin de se dépenser, mais sa maladresse nous inquietait. Mon mari a trouvé que ce serait bien de l’inscrire au « baby-judo » à l’âge de 3 ans, pour qu’il prenne mieux conscience de son corps et de ses mouvements. Je crois que cela a été extremement bénéfique, et a permis a Julien de compenser une partie de ses problèmes gestuels. Il n’a jamais arreté, il aime beaucoup cette activité, même s’il n’est pas très très bon. Il l’est quand même suffisament pour être ceinture orange verte, et il fait des competitions (il les perd toujours, mais ça ne le décourage qu’un moment). Pour lui, il n’est pas question d’arreter.

Il a commencé le vélo à 5 ans, là encore grâce à la perseverance de son père , et à son courage. Il en voulait, et il y est parvenu assez rapidement. Pour la natation, il aimait beaucoup l’eau, et nous jugions qu’il fallait lui apprendre à nager le plus vite possible (piscine sur les lieux de vacances=danger…).

Il a commencé les cours de natation vers 4ans et demi 5 ans. Il savait nager, pas très bien c’est vrai, à 6 ans. Sa brasse est particulière, très « coulée » mais il se débrouille et il est très endurant maintenant. Il va à la piscine 1 fois par semaine avec sa soeur de 8 ans au club nautique. Nous avons abandonné (pour le moment) la musique, c’était vraiment trop dur pour lui , même s’il aime cela. Il joue du CD audio…

Il aime beaucoup lire, dévore au moins 2 livres/semaine + les revues, il aime aussi la game boy, les jeux sur ordinateurs et s’y débrouille fort bien.

Il est toujours curieux de tout. Il a un seul vrai ami, un enfant un peu renfermé , ils sont dans la même classe. Son ancien ami est en 6ème, ils se voient toutes les semaines et ça se passe bien aussi avec lui. Les autres le laissent un peu plus tranquille maintenant, et Julien semble nettement plus heureux que l’an passé.

Nous , ses parents, le comprenons mieux aussi, et ne lui demandons plus tous les matins de s’appliquer pour mieux écrire… Voilà, désolée d’avoir été si longue, il y a encore tant à dire… Bien sûr, le diagnostic a été trop tardif, mais il y si peu de gens qui connaisent la dyspraxie!

Et nous avons un enfant merveilleux, mais on a faillit le « casser ». Maintenant que nous savons de quoi il retourne, on peut se battre pour que Julien s’épanouisse. Je me rends bien compte aussi que nous avons beaucoup de chance car finalement, sa dyspraxie ne consitue pas un handicap aussi sévère pour Julien que pour bien d’autres enfants. Je parle de la dyspraxie autour de moi, personne ne connait mais en semant des graines partout, bientôt…

Très cordialement,

Isabelle

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